Archives orales ?
« Le patrimoine oral et sonore recouvre des sons, des musiques, des paroles, des témoignages, des entretiens, des conversations, des bruits, bref des éléments d’expression culturelle. »
Association française des archives orales sonores et audiovisuelles
Voilà comment l’Association française des archives orales sonores et audiovisuelles définit le patrimoine oral dans l’article L’utilisation des corpus oraux à des fins culturelles : quels contrats mettre en œuvre ? du 29e volume de leur bulletin. Cette définition montre les deux formes que peuvent prendre l’histoire orale.
La première est une source orale fabriquée, comme une interview. Mais la source orale peut être également captée, quand il s’agit d’enregistrer des sons ou l’ambiance dans une place publique ou le silence dans la rue durant le confinement par exemple.
Ici, le focus se concentre sur trois aspects entourant les témoignages oraux :
- l’historien ou l’archiviste s’occupant de la collecte et de la conservation des sources.
- l’historien ou l’archiviste créant lui-même les sources en prenant l’initiative de poser des questions à des personnes ayant vécu le confinement. Ce rôle est aussi bien inédit qu’essentiel dans cette période sans précédent.
- le témoin, à la fois acteur et créateur de sources dont le rôle n’a cessé de prendre de l’importance depuis les mesures de distanciations physiques.
L’histoire orale, une histoire moderne
L’intérêt pour l’histoire orale est relativement jeune. Les sources orales ont très longtemps été considérées comme peu fiables par rapport aux sources écrites, estimées plus sérieuses. Il faut attendre les années 1980 et le développement de l’histoire du Temps présent, pour que leur utilisation se popularise. En revanche, elles étaient déjà utilisées dans des domaines de sciences humaines et sociales telles la sociologie, l’anthropologie et les sciences politiques.
Les témoignages sont d’une grande aide, car ils permettent de faire la lumière sur des aspects laissés dans l’ombre par les sources écrites tels les liens entre des personnes, les situations informelles ou encore les informations personnelles d’un individu. Même si utiliser un ou des témoignages oraux comme source est devenu chose courante, ces derniers restent encore sous-exploités, et ce malgré la richesse et la diversité de leur contenu.
Voilà pourquoi il est essentiel de promouvoir leur utilisation et de former les nouveaux historiens afin que leur utilisation entre réellement dans les pratiques courantes du métier d’archiviste et de chercheur. Faire de l’histoire orale, cela ne s’improvise pas. Non seulement il y a des règles à respecter sur la forme et les pratiques dans le cadre des interviews, mais adopter une posture critique est également essentiel.
Le confinement, une rupture dans les pratiques
Comme dans n’importe quelle crise mondiale, l’histoire orale est essentielle pour connaître le ressenti des gens dans leur quotidien bouleversé. Plus que jamais l’histoire étudiée est une histoire du quotidien. De plus, la pratique du témoignage oral se trouve bousculée par le confinement même. L’historien et l’archiviste, dont le rôle habituel est de collecter et de conserver les témoignages oraux dans des dépôts, créent de l’histoire et se voient attribuer un double rôle.
La distanciation physique étant une obligation, la méthode même de récolte des sources orales subit une modification. Le témoin n’aura jamais été aussi actif dans le processus de création de la source. De nouvelles questions apparaissent donc aussi bien pour le nouveau rôle de l’historien et de l’archiviste que celui du témoin, qui dans un contexte de confinement est amené à s’enregistrer lui-même. Le lien qui existe habituellement entre l’interviewer et l’interviewé est beaucoup plus flou : faire un appel via des plateformes telles que Zoom, Skype of Teams ou faire une interview chez le témoin sont deux choses totalement différentes. Ces nouvelles pratiques amènent donc un grand nombre de nouvelles questions aussi bien quant au rôle du témoin qu’à celui de l’historien et de l’archiviste.
Et il y a bien évidemment aussi la question de la convention et de la forme que cette dernière doit prendre. Même si elle ne forme qu’une petite partie de ce que représente l’histoire orale, elle est d’une importance capitale. La convention sert à synthétiser tout le travail en amont. Elle donne la possibilité de revaloriser une source orale par la suite, cadenasse les étapes du processus et en protège les acteurs. Même si elle suit un cadre général, elle doit être adaptée au producteur des archives (orales ou écrites) afin de protéger sa vie privée tout en permettant la valorisation du contenu de la source. Un point portant sur les conventions dans le cadre des archives orales viendra compléter les outils mis à la disposition de la communauté.
Bibliographie
Le Draoullec Ludovic, « L’utilisation des corpus oraux à des fins culturelles : quels contrats mettre en œuvre ? », dans Bulletin de l’AFAS, vol. 29, été-automne 2006. [En ligne]
Vanvelthem Lionel et Dawinka Laureys, L’enquête orale, IHOES, Seraing, 2019, p. 7.
Descamps Florence, « L’entretien de recherche en histoire : statut juridique, contraintes et règles d’utilisation », dans Histoire@Politique, n° 3, vol. 3, 2007, p. 1-2.
Descamps Florence, L’historien, l’archiviste et le magnétophone : De la constitution de la source orale à son exploitation. nouv. éd., Paris, Institut de la gestion publique et du développement économique, 2005.