Coronahumour : quand « confiné » rime avec « créativité »

Cet article est fréquemment mis à jour (dernière MàJ le 14 avril 2020). — Vous êtes déjà plusieurs à m’envoyer vos créations coronahumoristiques. Par ailleurs, il ne se passe pas un jour sans que je voie passer de nouveaux détournements sur la Toile. Les nouvelles créations reçues seront donc placées au début de cette page, de manière à les rendre directement visibles aux lecteurs qui reviennent y faire un tour. Envie de figurer dans cet article ? N’hésitez pas à m’envoyer un e-mail ou bien à laisser un petit commentaire tout en bas. 😉

Un tout grand merci à Un Faux Graphiste, à Gaspard Giersé (Les Visites de mon Voisin), à Mesmes Moyenagescqves povr serfs et vassals, à Bandes Détournées, à Émile Bertier de Coron’Haïku, à Didier Devriese, à Calou Arvieu et à Benoit Gerbet de m’avoir permis de reproduire ici gratuitement leur travail. Merci également à tous les joyeux anonymes qui ont laissé leur création s’échapper et proliférer dans les dédales du Web. Si vous reconnaissez votre œuvre ci-dessous, n’hésitez pas à me contacter et à me demander de vous créditer : je suis très à cheval sur la provenance des sources (archiviste un jour, archiviste toujours).

À moins de vivre, tel Henry David Thoreau, en ermite dans une cabane au fond des bois sans aucun accès au tumulte trépidant du monde moderne – auquel cas vous n’avez de toute façon aucune chance de lire cet article –, vous en avez sans doute vu passer l’un ou l’autre. Je parle bien entendu des pastiches et autres détournements autour du coronavirus qui tournent en boucle sur les réseaux sociaux, à côté des reportages sur la vie et l’œuvre de Marius Gilbert ou des appels à la délation. L’homo sapiens est une espèce dotée d’humour, et ce n’est pas une grave crise internationale qui va l’empêcher de continuer à rire. Car « rire, c’est bon pour la santé, selon un dicton populaire », comme l’a déclaré l’homme le plus comique du monde, Johann N. Schneider Ammann. Depuis le début de la pandémie – et sans doute plus encore depuis qu’ils sont enfermés toute la journée chez eux –, de nombreux internautes détournent sans vergogne couvertures de livre, affiches de film, BD, œuvres d’art, etc., afin de les adapter à l’actualité du confinement. — Une enquête de Lionel Vanvelthem, archiviste et pasticheur à ses heures perdues.

Coco19 petit danger planétaire

Pascal « Calou » Arvieu est graphiste et motion designer. Durant sa carrière, il a notamment travaillé comme graphiste à Siné Hebdo et directeur artistique aux Inrockuptibles. Ce n’est donc pas un hasard si Les aventures de Coco19 – qu’il poste depuis le 16 mars 2020 à la fois sur son site Web et dans un album Facebook – sont si réussies graphiquement… et aussi particulièrement coronacomiques,

Les détournements de Benoit Gerbet

Benoit Gerbet ne cherche pas la notoriété. Ses petits détournements, il les fait seulement « à titre privé, pour amuser les amis ». Il m’en a envoyés quinze. En voici toujours cinq. Et si vous êtes sages, peut-être que j’en partagerai d’autres dans un second temps. Celui sur le professeur Raoult, franchement… un vrai petit bijou. Quant à celui sur Dune, je suis presque jaloux de ne pas y avoir pensé.

Le drone aux trousses, par Benoit Gerbet.
He who controls the toilet paper controls the universe, par Benoit Gerbet.
Professeur Raoult célèbre voyant magnétiseur authentique, par Benoit Gerbet.
Comment je me sens dans les allées des supermarchés, par Benoit Gerbet.
Eric Clapton, Chloroquine, par Benoit Gerbet.

Les détournements d’Un Faux Graphiste

Vous avez sans doute vu passer l’une ou l’autre de ses créations sur Facebook, sans peut-être savoir qu’elle était de lui. Un Faux Graphiste, c’est cet étudiant bruxellois qui en 2015 s’est fait connaître sur les réseaux sociaux avec d’excellentes parodies de Tintin : des détournements totalement hilarants (une version au format « dessiné animé » est encore visible aujourd’hui sur YouTube), mais qui n’ont évidemment pas plu à la société Moulinsart qui début 2016 lui a gentiment (hum) demandé d’arrêter, au grand dam de ses dizaines de milliers de fans. Qu’à cela ne tienne : depuis cette époque, il s’est reconverti dans le détournement d’œuvres qui ne sont plus soumises au droit d’auteur. Il a même sorti plusieurs recueils (Un faux livre et Un faux livre 2). Son projet actuel (Abécéd’hair approxima’tif, en collaboration avec Penseur Étoile) entame son dernier mois de financement participatif. Mais quel rapport avec le Covid-19, me direz-vous ? Eh bien il se fait qu’Un Faux Graphiste a évidemment surfé sur la vague du coronavirus et du confinement, avec pas mal de détournements que vous pourrez retrouver sur sa page Facebook. En voici quelques-uns.

Tas de clap-clap recueillis pendant le confinement, par Un Faux Graphiste.
Cendrier en Patafix d'origine confinée, par Un Faux Graphiste.
Faire son masque à la maison : les premières dérives, par Un Faux Graphiste.

Bandes Détournées, une nouvelle vie trépidante pour de vieux comics

Bandes Détournées (page Facebook), c’est aussi du détournement de BD, sauf que les deux auteurs, Émile Bertier et Yann Girard, ont eu la bonne idée, contrairement au Faux Graphiste ci-dessus, de ne pas fâcher Nick Rodwell de la société Moulinsart. Comment est-il possible ne pas fâcher Nick Rodwell, me demanderez-vous ? C’est très simple : il suffit de ne pas s’approcher de Tintin à moins de douze kilomètres et de détourner plutôt de vieux comics américains libres de droits. Un travail minutieux de découpage, scannage, recadrage, reséquençage et réécriture a donné un souffle nouveau à ces vieilles aventures. Plusieurs BD sont d’ores et déjà parues au format papier et PDF, dont Le Petit Guide de l’effondrement (novembre 2019) et Paul Lamploix et les quatre Huberts, chômeurs du futur (mai 2019), dont la planche ci-dessous est une adaptation spéciale « pandémie ».

Paul Lamploix et les quatre Huberts, chômeurs du futur, par Bandes Détournées.

Coron’haïku, un projet artistique collaboratif sur le Covid-19

Le même Émile Bertier travaille pour l’instant sur une autre page Facebook intitulée « Coron’haïku », au slogan évocateur : « Un jour, un haïku, un pangolin ». Il s’agit d’un projet collaboratif lancé le 24 mars dernier et regroupant un collectif de dessinateurs et d’illustrateurs tels que Gautier Ds, Julien Faye, M. la Mine, Jérémy Fratczak, Jean Chauvelot, Le Pueblo ou Gabriel Léonard. Chaque jour, même les samedis, dimanches et jours fériés – qui n’existent de toute façon plus maintenant que nous sommes tous confinés –, l’un de ces talents propose une illustration, accompagnée d’un haïku, sur le thème du pangolin et du confinement. Ils sont à la recherche de nouveaux illustrateurs. Vous sentez-vous d’attaque ?

Coron'haïku #9, par Pablo Vasquez-Guilhendou aka Le Pueblo.
Ci-dessus : Coron’haïku #9, par Pablo Vasquez-Guilhendou aka Le Pueblo.
Appel à illustrateurs pour le projet Coron'haïku, illustration de Gautier Ds.
Ci-dessus : appel à illustrateurs pour le projet Coron’haïku, illustration de Gautier Ds.

Mesmes moyenagescqves povr serfs et vassals

Et si on prenait deux choses complètement différentes – d’un côté le concept du mème Internet ; de l’autre une tapisserie médiévale – et qu’on les mélangeait, ça donnerait quoi ? Ça donnerait « Mesmes moyenagescqves povr serfs et vassals », MMPSEV pour les intimes, une page Facebook complètement loufoque qui existe apparemment depuis fin juin 2018. Avec du vrai français médiéval dedans s’il vous plaît ! Une page qui s’empare également du cononavyrust, avec ce mesme accompagné du commentaire : « Povr arrester icette novvelle peste venve de l’oryent, reste adonc en tyen logis le plvs qve pevt ! ».

An de grace MMXX, le bon Syre Macron IV tient dyscours en syen castiel..., par Mesmes moyenagescqves povr serfs et vassals.

Que fait mon Voisin quand il ne peut plus faire de Visites ?

« Les Visites de mon Voisin », c’est un projet qui consiste à proposer « des visites guidées alternatives qui donnent une lecture transversale de la ville [Bruxelles], qui interrogent son actualité à travers son urbanisme, son histoire, sa sociologie ». Le projet est porté par Gaspard Giersé (le Voisin) – archéologue, musicien, fanatique d’histoire, d’urbanisme et tout un tas d’autres choses – et par Vassilia van der Heyden (la Voisine) – consultante en projets culturels qui a notamment travaillé dans la production et la diffusion de spectacles. Mais que fait-il, le Voisin, quand il ne peut plus faire ses visites alternatives de la capitale ? Il s’amuse pour tuer l’ennui en réalisant des montages qu’il poste sur la page Facebook du projet. C’est très bien fait, c’est marrant, c’est percutant.

Chers jeunes, j'ai une idée, dit la Reine Mathilde, par Gaspard Giersé alias le Voisin.
Chute de la pollution atmosphérique, par Gaspard Giersé alias le Voisin.

Peintures confinées

Que deviendrait Le Déjeuner sur l’herbe d’Édouard Manet en cette période de confinement généralisé ? Pourrait-il encore se tenir sans problème ? Certainement pas. Et quelqu’un s’en est d’ailleurs amusé avec ce détournement très bien réalisé (on notera en arrière-plan le rouleau de papier toilette, un grand classique) :

Le Déjeuner sur l'herbe en mode confiné, par un inconnu.

Quelques minutes plus tard, les quatre bourgeois avaient obtempéré et ne restaient plus que quelques effets personnels et un peu de nourriture pour témoigner de la présence de pique-niqueurs sur une pelouse de la forêt d’Argenteuil :

Le Déjeuner sur l'herbe en mode confiné, par Lionel Vanvelthem.

Si j’ai pu sans problème retrouver la source de la seconde image (c’est très simple : c’est moi !), je n’ai jamais réussi à identifier celle de la première. Un ami Facebook l’a postée sur son profil, mais il n’en est pas lui-même l’auteur (il en serait bien incapable, m’a-t-il déclaré) : elle circulait déjà beaucoup et il n’a fait que la repartager sur son compte. Mais alors, qui est l’auteur de cette parodie ? Un certain « VP » d’après la signature en bas à droite. VP, si tu nous lis, manifeste-toi s’il te plaît. Car toi aussi tu as le droit d’accéder à la célébrité !

« Confiner une peinture » est un sport savoureux pour toute personne disposant d’un logiciel de retouche pas trop mauvais (évitez Microsoft Paint !) et surtout de beaucoup de temps devant lui. Une nuit que j’étais à me morfondre, etc., je me suis amusé à « confiner » Un dimanche après-midi à l’Île de la Grande Jatte, de Georges Seurat, l’une de mes peintures préférées. La prochaine étape sera peut-être de supprimer toute activité humaine sur Le Bal du moulin de la Galette d’Auguste Renoir. Chiche ?

Un dimanche après-midi confiné à l'Île de la Grande Jatte, par Lionel Vanvelthem.

En 2014, un artiste du nom de Kris Tremblay proposait Nighthawks in Isolation, revisitant le célèbre Nighthawks d’Edward Hopper. Il avait quelques années d’avance sur le lockdown actuel et l’annonce de la fermeture des bars :

Nighthawks in Isolation, par Kris Tremblay.

Terminons ce tour d’horizon des « peintures confinées », qui est loin d’être complet, par cette question : que serait devenue la cène en temps de confinement et de coronavirus ? Eh oui, quelqu’un y a pensé ! Ce détournement est même apparu plusieurs fois sous des formes un peu différentes. J’ai récupéré celui-ci sur la page Facebook « Adopte un archéologue », mais à nouveau, je n’en connais pas l’auteur :

La cène confinée, trouvée sur la page Adopte un archéologue.

Les « pastiches du confinement » : quand l’archiviste s’amuse

Didier Devriese est historien, conservateur du patrimoine de l’Université libre de Bruxelles et membre honoraire du Conseil international des archives. Auteur de nombreux ouvrages et articles dans le domaine de la théorie archivistique, il a également lancé sur son profil Facebook, le 20 mars 2020, le jeu suivant : « Amis des arts et de la littérature, je vous propose de pasticher auteurs et titres sur le thème du coronavirus et du confinement. J’attends vos suggestions, les transformerai en couvertures et vous les dédierai. » Le jeu a eu dès le départ beaucoup de succès et de nombreuses personnes ont proposé des titres, de « L’amour au temps du corona » à « Stupeur et Confinements » en passant par « Voyage au bout de l’ennui ». Adorant l’idée, ayant beaucoup de temps à perdre et ayant après vingt ans d’entraînement intensif enfin compris comment fonctionnait un calque Photoshop, j’ai rejoint ce qu’il est convenu d’appeler la « team Devriese-Vanvelthem ». Plus d’une vingtaine de titres de la littérature et du cinéma ont été pastichés, dont voici un échantillon.

Quelques créations de Didier Devriese :

Quelques créations de Lionel Vanvelthem (c’est moi !) – vous en retrouverez plus (en scrollant un peu) sur son profil Facebook (enfin, sur mon profil Facebook) qui a la chance d’être entièrement public :

Envie de contribuer à cet article ?

Plus on est de fous, plus on rit. Si vous voulez ajouter à cet article votre propre contribution ou bien un exemple de « coronahumour », contactez-moi et nous ferons de ce texte un roman-fleuve, témoignage de la capacité millénaire de l’humain à rire de son propre sort.

2 reacties op “Coronahumour : quand « confiné » rime avec « créativité »”

    1. Bonjour,

      Merci pour votre message. 🙂
      Très belle série. Je m’occuperai de l’ajouter ce soir à l’article !

      Avez-vous trois ou quatre illustrations préférées dans le lot, que je pourrais mettre en avant directement dans l’article (avec un lien vers l’album pour les autres) ?

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