Un article de l’équipe du projet Mémoire de Quarantaine
Amandine, Aude, Françoise et Nicolas
Genèse
18 mars 2020, suite à l’épidémie de COVID-19 qui touche notre pays, un confinement généralisé est décrété par les autorités gouvernementales. Totalement inédite, cette situation marquera durablement notre histoire commune ainsi que la vie privée des citoyens et citoyennes. Il était impératif qu’un travail de mémoire soit réalisé afin de transmettre une trace de cette année si particulière aux générations futures. Conscients de ce devoir, les archivistes belges (et européens) se sont mobilisés très tôt pour rassembler et conserver les témoignages de cette période inédite. A la Ville de Namur, nous avons suivi de près ce qui se faisait dans les autres services d’archives ou musées par le biais de la plateforme https://archivesquarantainearchief.be ou de l’Association des Archivistes Francophones de Belgique (AAFB), sans pour autant démarrer tout de suite une collecte namuroise. Cette première période de latence s’explique par le fait que nous ne sachions pas par quel bout commencer mais également parce que nous espérions secrètement que la situation serait très éphémère.
Ce n’est donc que mi-avril que la machine a démarré, lorsque nous avons réellement commencé à prendre conscience de l’ampleur de l’évènement.
Quelques contacts plus tard et avec l’approbation de notre autorité, le projet namurois a officiellement été lancé et une équipe “Mémoire de Quarantaine” constituée de 4 personnes a vu le jour. Celle-ci impliquait le service gestion documentaire, le service des bibliothèques (Centre de ressources historiques namuroises) et le service Citadelle dans lequel une Collègue très motivée avait un profil intéressant pour intégrer l’équipe.
Méthodologie
Le projet est donc lancé, mais concrètement comment procéder?
Après deux premières réunions du groupe, il est très vite apparu que quatre éléments étaient indispensables :
- une adresse mail dédiée au projet afin de communiquer aisément sur celui-ci et entamer la récolte des témoignages;
- un appui de la hiérarchie et la validation par le Collège, via une délibération, des grands principes de collecte ainsi que des conventions. Nous remercions par ailleurs les Archives de la Ville de Mons pour leur aide précieuse dans ce domaine;
- un espace sur le serveur afin de pouvoir y conserver les documents numériques récoltés et, par extension, un appui du service Informatique;
- un appui du service Communication afin de diffuser le projet de la manière la plus large possible.
Nous nous sommes également lancés dans un travail de prospection afin de connaître ce qui était fait ailleurs en Belgique et en France et définir un modus operandi. En effet, plusieurs questions devaient être tranchées :
- faut-il réaliser l’archivage des sites web ou des pages provenant des réseaux sociaux ?
- faut-il récolter des témoignages écrits ou oraux, des objets,…?
Très vite, c’est l’initiative de la Ville de Saint-Etienne qui a retenu notre attention. Celle-ci proposait un questionnaire en ligne avec la possibilité de déposer des images numériques, des vidéos, etc. C’est donc cette méthode de collecte que nous avons adoptée.
Collecte
Lors de nos réunions, nous avons mis en place une stratégie de récolte en quatre phases :
- phase 1 : les citoyens et citoyennes
- phase 2 : les différents secteurs impactés par la crise
- phase 3 : les services de l’administration
- phase 4 : les gestionnaires de la crise
Première phase
Pour cette première phase, orientée vers les citoyens et citoyennes, nous avons réalisé un questionnaire type afin de récolter des témoignages écrits. Il nous a fallu de nombreux brainstormings afin de dégager les questions qui nous paraissaient les plus pertinentes et qui permettraient de retranscrire au mieux le confinement. Au-delà des questions, nous avons également décidé de laisser aux citoyens et citoyennes trois opportunités pour nous livrer leurs témoignages :
- apporter une contribution libre par mail ou via un formulaire « texte libre » ;
- répondre à des questions précises sur leur vécu et leur ressenti pendant le confinement via un formulaire préétabli de questions/réponses ;
- déposer des témoignages papier/physiques/matériels au service Gestion documentaire.
Tous ces témoignages (papiers ou numériques) pouvaient être complétés par des photos, vidéos, dessins ou autre.
Grâce à une collaboration fructueuse avec le service Communication, les différents formulaires ont rapidement pu être mis en ligne sous la forme visible actuellement sur le site de la Ville de Namur.
Ces questionnaires peuvent être anonymisés et il est systématiquement demandé de signer une convention afin de définir les conditions d’utilisation des témoignages.
Deuxième phase
La deuxième phase s’adressait aux différents secteurs impactés par la crise (soins de santés, secteur sportif, culturel, cultes religieux, horeca, etc.). La mise en place de cette deuxième phase a pris un peu plus de temps. Nous avons souhaité élaborer des questionnaires spécifiques à chaque secteur afin de récolter des témoignages plus pointus. Après de nombreuses réunions et la finalisation des questionnaires, nous avons pris contact avec les différents secteurs ciblés via des asbl, les carnets d’adresses des services communaux ou encore nos connaissances dans les différents domaines. Toujours sous la forme d’un questionnaire numérique, nous leurs avons transmis les liens concernant leur secteur.
Troisième phase
Une troisième phase a suivi de près la deuxième avec l’envoi au sein de l’administration de trois questionnaires concernant les agents en première ligne, les agents mis à disposition d’autres services et les agents continuant leurs missions habituelles en télétravail.
Les deuxième et troisième phases ont été réalisées via la création d’un questionnaire en ligne dont le lien hypertexte a été envoyé à chaque secteur. Ces questionnaires ne sont donc pas visibles directement sur notre site web.
Pour réaliser ces questionnaires, la collaboration avec notre service Communication a, à nouveau, été primordiale. Nous avons pu compter sur leur grande réactivité afin de mettre en ligne les questionnaires et de les adapter en fonction de nos commentaires. Des affiches concernant le projet ont également été réalisées, ainsi qu’un article dans le magazine de la Ville, dans le bulletin du personnel communal et via des communiqués internes.
Quatrième phase
Etant donné la durée de la crise et la deuxième vague de contaminations subies par notre pays, une quatrième phase sera mise en place dans le courant du premier trimestre 2021. Celle-ci comprendra notamment des interviews orales des acteurs de première ligne de notre administration (Bourgmestre, Directrice générale, chef de corps de la Police, Président du CPAS, etc.). Une relance générale du projet est également prévue après ce second confinement. En effet, il nous a paru pertinent d’attendre le début de l’année 2021 pour effectuer cette relance afin de récolter des témoignages concernant notamment la période particulière des fêtes de fin d’année.
Bilan
A ce jour, le bilan est plutôt mitigé. Nous avons reçu un total de 123 témoignages. Si dans l’absolu, ce chiffre est honorable, l’équipe a investi beaucoup d’énergie et de temps dans la réalisation des questionnaires alors que les retours de certains secteurs sont quasi inexistants. De même, la qualité des témoignages est très variable, certains répondants se contentant du strict minimum.
Ceux-ci sont répartis de cette manière :
- 43 citoyens ;
- 39 agents de la Ville ;
- 42 des secteurs ;
L’élaboration des différents questionnaires au niveau des secteurs ayant pris pas mal de temps, nous espérions un retour d’un plus grand nombre d’acteurs. Nous sommes par contre relativement satisfaits de l’écho reçu auprès des collègues.
Comme mentionné, la qualité des témoignages est très variable, d’un véritable récit de confinement à quelques mots, d’un simple dessin à une série de photos.
De même, si de nombreuses personnes souhaitent rester anonymes (environ 50%), d’autres souhaitent absolument que l’on cite leur nom.
Par contre, bon nombre de répondants ne souhaite pas remplir de convention et il est souvent problématique d’en faire comprendre l’utilité.
Il est intéressant de constater que de nombreuses initiatives similaires ont été réalisées dans des publications locales et que les acteurs locaux préfèrent se tourner directement vers la presse que de nous transmettre leur témoignage. Nous avons donc bénéficié d’un apport indirect de témoignages via la presse ou les publications locales. Par nos contacts auprès d’associations, nous avons aussi remarqué que celles-ci en leur sein récoltent des témoignages auprès de leurs publics ou usagers (prisons, etc).
Notons également que nous avons déjà reçu des demandes d’utilisations de ces témoignages.
En juillet, l’organisatrice de l’Intime Festival, nous a contactés pour nous proposer d’utiliser les témoignages dans le cadre de deux projets. Le premier projet consistait en une résidence d’écriture avec l’écrivain Robert McLiamWilson soutenu par la Ville pour recueillir la parole de tous ceux qui ont combattu / subi l’épidémie de coronavirus et d’en produire un texte littéraire dont des extraits seraient lus à l’occasion d’une cérémonie de commémoration organisé avec la ville en décembre. Vu la situation sanitaire, le projet de commémoration a été suspendu. Nous savons que l’écrivain a récolté des souvenirs auprès de passants, d’institutions, mais il ne s’est pas rendu chez nous. Dans ce même cadre, il était accompagné par un journaliste de Vers l’Avenir et d’une vidéaste pour identifier les témoins, et les enregistrer.
L’Intime Festival lançait aussi des ateliers de narration dans les écoles (primaire, secondaire et à l’université) pour aussi faire émerger la parole. Nous n’en avons malheureusement aucun retour.
Le deuxième projet concernait les étudiants de l’IHECS. Un atelier leur était proposé en résidence tous les mercredis d’octobre au théâtre et l’objectif était de produire un « objet » qu’il soit sonore, cartographié, multi média… autour de la thématique « Les Disparus ». Une rencontre a eu lieu avec ces étudiants pour leur expliquer la genèse de notre projet, mémoire de Quarantaine. Un premier groupe nous a contactés car sur base de cet échange et d’un exemple de témoignage reçu, ont voulu rencontrer son autrice. Les échanges ont eu lieu. Un autre groupe devait se rendre au CeRHiN pour consulter les témoignages récoltés. Vu la situation sanitaire et les conditions de consultation, nous avons « perdu » ces étudiants.
A l’Académie des Beaux-Arts de Namur, le professeur de bande dessinée, important donateur pour Mémoire de Quarantaine, a été intéressé de consulter les témoignages pouvant être une source d’inspirations pour les exercices de croquis de vie quotidienne par ses étudiants. Malheureusement, le deuxième confinement a aussi suspendu ce projet.
Pour plus d’information sur Mémoire de Quarantaine, n’hésitez pas à consulteur leurs pages web : https://www.namur.be/fr/ma-ville/administration/services-communaux/gestion-documentaire/memoire-de-quarantaine