Nous recevons dans ce podcast Christel Mawet et Ludo Bettens, de l’Institut d’histoire ouvrière, économique et sociale (IHOES).
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Dans ce podcast, nos deux intervenants reviennent d’abord sur leurs parcours respectifs. Christel Mawet travaille depuis 18 ans à l’IHOES, elle est chargée entre autres de la gestion des encodages et des inventaires, ainsi que des demandes et de la salle de lecture. Ludo Bettens, historien de formation, travaille à l’IHOES depuis 2005. Aujourd’hui attaché scientifique, il s’occupe en partie d’inventaires, mais aussi de travail de rédaction, de recherche, dans le cadre notamment de l’éducation permanente. Ils reviennent également sur l’histoire de l’IHOES, créé à la fin des années 70.
En mars 2020, l’Institut a dû fermer ses portes et toute l’équipe s’est mise en télétravail. Les intervenants du podcast reviennent sur l’organisation pratique pendant cette période. Pendant le premier confinement, une partie de l’équipe travaillait sur le livre Epopée. En télétravail, ils ont donc pu se consacrer à la rédaction et aux recherches pour l’ouvrage. Mais l’IHOES a aussi dû adapter son travail archivistique : pour le travail d’inventaire et d’encodage, “deux d’entre nous ont pris du travail à la maison, on s’est retrouvé dans nos maisons avec des caisses à bananes, des cartons d’archives. Mais c’était au bon vouloir du personnel”. Pour certains travaillant sur des fonds trop volumineux, c’était de toute façon impossible de les prendre chez eux.
Une série d’interviews auprès d’acteurs syndicaux de la FGTB
Pendant le premier confinement, ils n’ont pratiquement pas eu de demandes de lecteurs, mais la question s’est posée lors du deuxième confinement. À partir de juin 2020, ils ont pu rouvrir la salle de lecture, mais de manière aménagée. Ils ont également entamé un roulement pour le retour au bureau du personnel, pour une courte durée car l’Institut a dû de nouveau fermer ses portes lors du deuxième confinement.
Ludo Bettens poursuit : “Pendant la période du premier confinement, Lionel Vanvelthem, un des membres de l’équipe, a été impliqué dans le projet Archives de quarantaine, c’est lui d’ailleurs qui a conçu le site web, pendant ses heures libres ; et donc via lui on a été informés de ce projet. Comme nous-mêmes on était pris sur le livre, on avait un peu des difficultés à se lancer (…), mais on a eu rapidement l’idée de lancer une série d’interviews auprès des acteurs syndicaux. On s’est dit que ça pouvait être intéressant, en complément des archives qu’on avait, de mener des interviews pour voir comment cette période de Coronavirus changeait leur modèle de travail, comment ils arrivaient encore à être à l’écoute de leurs affiliés, etc. Et on a été aidés pour cela par le trésorier de notre bureau, Julien Dohet, qui travaille comme responsable politique au syndicat des employés de Liège. Il a accepté de mener les interviews pour nous.” Une dizaine de syndicalistes ont été interrogés, avec des profils très différents, et à des niveaux hiérarchiques différents.
“En dehors des publicités pour les voitures, toutes les autres publicités changeaient”
Aussi, pour Archives de quarantaine, chaque membre de l’équipe avait conservé de manière un peu disparate ce qui lui tombait sous la main : des photos de choses étonnantes pour garder une trace, des publicités, etc. “Pendant le premier confinement, j’avais été étonné de voir que dans les journaux, toutes les publicités changeaient fondamentalement”, raconte Ludo Bettens. “En dehors des publicités pour les voitures, toutes les autres publicités changeaient, elles prenaient un autre ton : ‘nous travaillons à votre santé’ ‘prenez soin de vous‘ ou ’nous soutenons tel secteur’“.
L’IHOES a surtout fait un appel à la collecte d’archives autour du deuxième confinement (via Facebook et leurs lettres d’infos), avec des retombées relativement modestes en matière de volume.
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“Comment milite-t-on en période de coronavirus ?“
Un groupe de collecteurs de mémoire, constitué précédemment à la suite d’un appel lancé par l’IHOES, a par ailleurs modifié son travail pendant la crise. “Le groupe de collecteurs de mémoire, qui avait été mis sous le boisseau du fait qu’on ne pouvait plus se réunir, se sentait un peu esseulé”, explique dans le podcast Ludo Bettens. “Donc notre présidente a eu l’idée de les remobiliser en faisant une deuxième collecte d’interviews, mais cette fois-ci non plus auprès des acteurs syndicaux, mais en général auprès des acteurs du monde associatif et culturel, pour leur demander eux aussi comment ils vivaient ce Coronavirus (…). Et la question est rapidement devenue aussi : comment milite-t-on en période de Coronavirus ? »
Cette collecte est encore en cours mais plusieurs dizaine d’interviews ont déjà été menées (collectifs contre la pauvreté, d’aide à la culture, de lutte contre les violences familiales, d’aide aux SDF, etc.) > à découvrir sur la plateforme “Mémoire orale”. Ces collectes doivent maintenant être organisées pour conservation.
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Télétravail : “On ne se voit plus retourner 5 jours sur 5 à l’Institut”
Les deux intervenants reviennent également sur leur expérience du télétravail, absolument inédite pour certains ! Ils réfléchissent aussi à ce que ce télétravail a modifié. “On ne se voit plus retourner 5 jours sur 5 à l’institut”. Ils notent également de nouveaux problèmes qui voient le jour avec le fait de travailler sur des postes différents : par exemple, un Google Drive a été mis en place, mais ils n’ont plus accès à leur serveur. Au bout d’un an de télétravail, certaines questions se posent de manière fondamentale dans l’organisation du travail et doivent être réfléchies. Sans compter les questions sur l’équilibre vie professionnelle/vie privée que pose aussi le télétravail.
Via cette crise, les gens se rendent compte que les archivistes “collectent aujourd’hui l’Histoire de demain”
Pour les deux archivistes, cette crise aura peut-être permis à certains de découvrir une autre facette du métier. En tous cas ils l’espèrent. Avec le projet Archives de quarantaine, comme après les attentats de Bruxelles, des gens ont pu se dire : “Ah tiens les archivistes font ça aussi, je ne savais pas !”
Des gens “se rendent compte que le métier d’archiviste diffère un peu de ce qu’ils pensaient au départ : par le fait qu’ils collectent aujourd’hui l’Histoire de demain”. Si beaucoup de gens pensent que les archivistes s’occupent de vieux papiers dans des caves, ils ne se rendent pas vraiment compte du travail qui est fait au jour le jour pour pour avoir justement accès dans le futur à ces vieux papiers.
Les deux archivistes espèrent aussi que cela va permettre de faire prendre conscience à certains citoyens du fait que des choses qu’ils produisent sont de potentielles archives pour le futur. Même s’ils ne pensent malheureusement pas que cela changera l’image de l’archiviste pour le grand public.
Retrouvez l’intégralité des propos de nos intervenants dans le podcast > https://archivesquarantainearchief.be/fr/podcasts/