L’appel à témoins lancé par le Carhop et Rhizome a été entendu. Autant les éducateurs et les éducatrices qui travaillent dans le secteur de l’aide à la jeunesse que dans celui de l’handicap, la crise du Covid, comme ils et elles en témoignent dans leurs interviews, les a fortement secoué.e.s.
Comment, en tant que travailleurs et travailleuses de terrain d’abord et avant tout, peut-on exercer son métier alors que la distanciation physique s’impose pour enrayer la progression du virus ?
La réponse semble être mission impossible. Face à cette situation, à laquelle ils et elles n’étaient pas préparés, les éducateurs et les éducatrices ont dû improviser souvent avec beaucoup de créativité. Pourtant, les permanences se limitent à des situations d’urgence et les activités éducatives s’apparentent plus à du gardiennage ou de l’occupationnel. Ces travailleurs et travailleuses n’ont tout simplement pas pu exercer leur métier au point, que certain.e.s se questionnent sur le sens de leur travail.
De cette impossibilité découle une grande fatigue professionnelle. Travailleurs et travailleuses de 1ere ligne, ils et elles ont, de plus, craint pour leur santé et celle des personnes dont ils et elles ont la charge faute de masques adéquats assurant leur sécurité. Si aujourd’hui, les protections ne font plus défaut, la mise en veille d’activités éducatives et essentielles à leurs yeux plombent encore leurs horizons.
Voici quelques moments choisis de leurs récits.
Florent Blein est éducateur dans une organisation internationale pour jeunes précarisés. Dynamo international Mobilité accompagne des jeunes de 13 à 25 ans et leur propose des activités qu’ils n’auraient pas osé rêver. Des voyages notamment et des échanges internationaux. Mais voilà, à l’heure de la crise sanitaire, on ne voyage plus ! Ces jeunes précarisés consacrent leur énergie à leur survie. Florent constate que les inégalités face au Covid se rajoutent à celles d’avant. Il s’inquiète aussi pour cette génération : comment rêver son avenir quand celui-ci est incertain et angoissant ?
Chloé Antoine est éducatrice dans un centre d’hébergement qui accueille des handicapés mentaux. Les résidents du centre sont vieillissants. Ils et elles ont entre 40 et 89 ans. Suite au confinement, le centre de jour a été fermé. Cela a signifié l’arrêt d’activités éducatives et stimulantes comme l’hippothérapie par exemple. Et ce n’est pas tout, il faut rajouter l’interruption des sorties à l’extérieur, des visites de la famille ou de proches, … Le témoignage de Chloé laisse entendre une grande fatigue, les journées de travail sont de 11 heures depuis le Covid. De la colère aussi, la saga des masques ne les a pas épargnés. Des questionnements aussi, comment donner du sens à un métier qui ne ressemble plus à celui pour lequel elle a été formée et auquel, elle adhérait ?
Josiane Jacoby, sociologue au Carhop asbl