Merci à Stéphanie Manfroid – attachée scientifique au Mundaneum, centre d’archives privées et espace muséal, présidente du Comité belge francophone et germanophone de « Mémoire du Monde », Unesco – pour la relecture de cet article.
L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) a publié le 3 avril 2020 une déclaration cosignée notamment par les principaux représentants des fédérations internationales des archives (ICA), des bibliothèques (IFLA) et des musées (ICOM). Fidèle à son rôle fondamental – qui pour rappel est « de contribuer au maintien de la paix et de la sécurité en resserrant, par l’éducation, la science et la culture, la collaboration entre nations […] » –, l’Unesco, et plus particulièrement son programme Mémoire du Monde, propose de transformer la crise actuelle en une opportunité pour le secteur du patrimoine documentaire.
Dès les premières lignes, le texte met le doigt sur ce qui apparaît déjà pour beaucoup d’entre nous, archivistes et gestionnaires de l’information, comme une évidence : le moment que nous vivons est historique. Les sources que nous collectons aujourd’hui serviront l’humanité de demain. Car non seulement ces sources seront au centre de nombreuses recherches dans les décennies à venir, mais elles donneront aussi des informations essentielles pour « comprendre, contextualiser et surmonter de telles crises à l’avenir ».
« La manière dont le monde réagit à cette crise mondiale sans précédent fera partie des livres d’histoire. Les institutions de mémoire, notamment les archives nationales, les bibliothèques, les musées, ainsi que les organismes d’enseignement et de recherche, enregistrent déjà les décisions et les actions prises qui aideront les générations futures à comprendre l’ampleur de la pandémie et son impact sur les sociétés. »
L’Unesco, via son programme « Mémoire du monde », se dit « prête à soutenir tous les États membres qui souhaitent préserver les documents officiels liés au COVID-19 ».
L’organisation décèle par ailleurs quatre « domaines clés » qui « exigent un partage des responsabilités entre les États membres, les institutions de mémoire et les citoyens pour répondre au COVID-19 » :
- 1) « amplifier la coopération nationale et internationale en matière de préservation et d’accessibilité du patrimoine documentaire » ;
- 2) accroissement des investissements tant pour la préservation que pour l’accès au patrimoine documentaire ;
« […] à l’avenir, l’investissement de l’État – avec l’investissement du secteur privé – sera vital pour [le] fonctionnement efficace et [la] survie finale [des institutions de mémoire]. Il est louable que [celles-ci] aient fait preuve d’une résistance extraordinaire en continuant, dans le contexte de cette crise sanitaire mondiale, à servir le public par des expositions gratuites en ligne, en mettant à disposition des copies numérisées de manuscrits anciens et en s’engageant efficacement auprès des citoyens sur les médias sociaux. Elles doivent également disposer des ressources et des droits nécessaires pour collecter des documents […] afin de garantir une documentation aussi complète que possible sur la crise. »
3) une plus grande facilité d’accès des institutions de mémoire aux chercheurs ;
4) la valeur des institutions de mémoire (archives, bibliothèques et musées) quant à l’accès à des informations vérifiées, scientifiques et fiables, élément essentiel de nos jours avec la prolifération de la désinformation et autres fake news.
« Avec la désinformation croissante autour de la pandémie du COVID-19, les institutions de mémoire peuvent collecter, cataloguer et diffuser des informations factuelles et scientifiques et fournir des perspectives critiques et comparatives. En fin de compte, grâce à leurs efforts de conservation de la documentation sur les réactions dominantes au COVID-19, ce sont elles qui façonneront la représentation de cette pandémie pour les générations futures. »
C’est donc le bon moment de mettre sur la table l’importance du patrimoine documentaire et de sa sauvegarde à long terme, sauvegarde qui ne sera possible que via une politique publique ambitieuse et un subventionnement adéquat de toutes les institutions de mémoire (services d’archives, centres de documentation, bibliothèques, musées, etc.). On ne pourra pas mettre en place une « préservation méticuleuse des documents officiels liés à la pandémie », comme le demandent certains gouvernements, sans les moyens humains, techniques et financiers qui les accompagnent.
Pour en savoir plus
La déclaration complète (version française) au format PDF
La présentation de cette déclaration sur le site de L’International Council on Archives (ICA)
Les ressources proposées par l’UNESCO pour les professionnels du patrimoine documentaire