Le projet Mémoire de Confinement, à l’instar de nombreux projets de collecte d’archives, a visé très rapidement la collecte de documents, écrits, oraux, photos ou vidéos en lien avec la pandémie du Coronavirus. En se focalisant sur le cas montois, le Service des Archives de la Ville de Mons a rapidement réfléchi à recueillir et documenter les évènements, comme par exemple la photographie de la Grand Place, vide sur le temps de midi, le 21 avril 2020, en tête d’article. Lancé officiellement le 24 avril 2020, le projet montois a rapidement accumulé des données dans plusieurs sens et est avant tout le fruit de réflexion entre les membres du service des Archives communales de Mons et les participants à la plateforme Archives de Quarantaine, que vous lisez actuellement.
Après plus d’un an de fonctionnement, un bilan s’imposait, d’autant que des perspectives nouvelles apparaissent…
Organisation : des choix pratiques
En tant que service d’archives public, étonnamment, le projet a vite laissé de côté un axe “administratif” car il était clair que la documentation ne manquerait pas : notes de services, photographies prises par le service Communication, décisions du Collège communal… Mais qu’en est-il du reste de la population ? Qu’est-ce qui allait permettre de documenter les actions des citoyens ?
Le projet s’est donc orienté dans deux directions. Un axe, plus passif, consistait à offrir un point de contact aux personnes désireuses de fournir leurs témoignages. En accord avec le service communication de la Ville de Mons, un règlement a été rédigé, des pages web spécifiques ont été créées et des appels à témoignage ont été diffusés sur les pages Facebook de la Ville et du Pôle muséal.
La deuxième orientation, plus active, visait l’enregistrement de l’éphémère : les réseaux sociaux et les sites internets créés spécialement pour l’occasion. Pour ces enregistrements, on s’est avant tout orienté vers les pages facebook, présentant une mixité générationnelle plus grande et une certaine facilité technique pour les enregistrements manuels (grâce à SingleFileZ).
Axe 1 : Collecte passive
Le 24 avril 2020, le service communication lançait le premier appel à témoignage. L’adresse mail memoire.confinement@ville.mons.be était lancée pour récolter les messages des citoyens. On ne peut pas parler d’un succès de foule mais les résultats ne sont pas négligeables pour autant. Nous avons pu récolter une trentaine de témoignages, allant de l’organisation de la sphère familiale à celle du travail en passant par des objets plus artistiques. A noter également quelques témoignages d’ASBL sur la réorganisation de leurs activités.
Ces témoignages et premières donations représentent ainsi 3,1 Go de données réparties entre 27 « petits » témoignages (784 fichiers). Ces dossiers contiennent une copie du mail, quelques données documentant des éléments du témoignage et le témoignage lui-même (sous différentes formes, dépendant des fichiers joints ou pas au mail). Au niveau des témoignages, le service des Archives de la Ville de Mons attend encore le témoignage d’un ambulancier.
Trois donations importantes ont également été faites, représentant 1,52 Go répartis sur 215 fichiers : elles concernent une série de photographies prises dans une ville vide, une série de documents concernant l’organisation d’une famille (donation directe et extraction autorisée d’une page Facebook) et une série de montages photos humoristiques. Deux donations photographiques sont également en attente, avec une portée plus large allant du premier confinement à nos jours. Un total de 30 donations (33 donations en comptant les témoignages en attente), pour des évènements d’une telle ampleur historique, en chiffre absolu, cela semble peu. Mais de manière globale, cet ensemble illustre de nombreux éléments que nous vivons tous au quotidien.
Ces premières collectes “passives” devraient bientôt être complétées grâce à un questionnaire en ligne, notamment basé sur le formulaire de la Ville de Namur, avec leur autorisation. N’hésitez pas d’ailleurs à consulter leur premier bilan, qui a fait l’objet d’un article sur la plateforme Archives de Quarantaine.
Axe 2 : Collecte active
La collecte active, deuxième axe du projet, s’est orientée principalement vers l’archivage du web et des réseaux sociaux.
Les extractions complètes, effectuées grâce à httrack concernaient les pages « Covid » de la ville de Mons à différents moments et un site présentant un annuaire des commerçants proposant des livraisons, preuve de l’adaptation du commerce. Globalement, il faut admettre que la place des sites internets est limitée comparativement à au nombre énorme de publications diffusées via les réseaux sociaux. Des enregistrements plus succincts ont été faits pour certains sites d’écoles, d’université, d’hôpitaux et du CPAS. Dans ces cas, nous nous sommes limités à une sélection des pages les plus illustratives des évènements : fermeture, interdiction de visite, etc. Globalement, il faut admettre que la place des sites internets est limitée comparativement à au nombre énorme de publications diffusées via les réseaux sociaux.
La collecte et l’enregistrement des réseaux sociaux a été le plus gros travail, grâce au télétravail et au ralentissement des activités courantes. Cette fois-ci, la sélection a été plus large : les pages de la Ville et du Bourgmestre ont reçu une attention particulière. A ces pages, de mars à juin 2020, se sont ajoutés de nombreuses autres pages. Notons ainsi : l’ensemble des membres du Conseil communal et du Collège, 9 ASBL (aide aux plus démunis, milieu culturel, participants aux festivités de la Procession et de la Ducasse de Mons), 2 hôpitaux (CHR Mons Hainaut et CHU Ambroise Paré), 8 pages de groupes citoyens sans lien avec des ASBL, 2 écoles, 1 page regroupant les articles de presse en lien avec Mons, la zone de police… Enfin, on peut ajouter 10 pages en lien direct avec les activités de la Ville : Académie de Musique, Athénée, Conseil communal des jeunes, CPAS, etc.
Pourquoi cette focalisation sur les réseaux sociaux ? Outre les informations diffusées par les administrations, ASBL et citoyens, les discussions en commentaire donnent un éclairage particulier au contexte et au ressenti des citoyens. Avec le déconfinement de mai 2020, les différentes pages ont commencé à disparaitre ou à être moins actives. Seuls deux pages sont encore actuellement enregistrées : la page du Bourgmestre et celle de la Ville, ces deux pages offrant un aperçu de l’évolution des débats (commentaires des utilisateurs et informations diffusées par les gestionnaires). Cette réduction drastique du nombre de pages enregistrées, limitées à deux, est également dû, il faut le dire, au manque de temps : avec le déconfinement, les tâches quotidiennes d’un centre d’archives reprennent, avec un retard à résorber et différentes obligations reprenant cours. Le choix de ces deux pages est ainsi le choix des pages les plus complètes et intéressantes pour documenter le vécu du citoyen et les étapes de confinement-déconfinement-reconfinement successives.
Le total de ces récoltes parait impressionnant en terme numérique : 5,9 Go, pour 4000 fichiers mais il faut savoir qu’un site web est subdivisé en plusieurs fichiers (entre 200 et 300 fichiers, par exemple, pour l’extraction d’un petit site internet, certaines pages spécifiques étant par ailleurs crawlés à plusieurs reprises pour offrir un “arrêt sur image” à un moment donné).
Et après ? Un Axe 3 : La mémoire orale
Le projet Mémoire de Confinement continue le travail. Un an après, avec la vaccination qui avance, on n’a donc encore des éléments à documenter. Et c’est d’ailleurs un des développements en cours : une collaboration avec le Mons Memorial Museum est lancé pour préparer l’enregistrement de témoignages oraux, des témoignages importants comme le mentionnait cet article. Pour préparer ces interviews, un questionnaire en ligne est diffusé sur le site de la Ville. Plusieurs points sont visés par ce questionnaire : motiver le citoyen en offrant un canevas pour son témoignage, préparer les sujets à traiter dans les entrevues filmés prévues et, enfin, éventuellement permettre à ces citoyens de marquer leur intérêt pour la participation à ces interviews.
Plus globalement, l’ensemble de ces axes est le fruit de discussions, aussi bien interne, dans le service des archives, mais également entre archivistes de toutes la Belgique. La plateforme Archives de Quarantaine était, à son lancement, et continue d’être un vivier de connaissances, de compétences et de réflexions. En quelques mots et en guise de conclusion : vous voulez vous lancer dans une collecte ? N’hésitez pas, lancez vous ! De nombreuses bases techniques ainsi que des exemples pratiques se trouvent sur cette plateforme.