PODCAST #4 : “Ce qu’on n’a pas pu garder, c’est le silence” (La Louvière)

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Dans le quatrième podcast de la série “Vis ma vie d’archiviste confiné·e”, Lionel Vanvelthem s’entretient avec Thierry Delplancq, archiviste aux Archives de la Ville et du CPAS de La Louvière (AVLL), sur la vie de son service d’archives durant la pandémie et sur les sources que celui-ci a pu collecter durant le confinement.

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Dans de nombreux services d’archives communales, la crise du coronavirus est venue accentuer un certain nombre de problèmes structurels qui existaient déjà bien avant l’année 2020 : “J’ai parfois l’impression que nous sommes pris en otage”, déclare Thierry Delplancq, entre, d’une part, la difficulté pour de nombreux archivistes d’exercer convenablement leur métier avec les maigres moyens humains, financiers et matériels qui sont les leurs et, d’autre part, une volonté malgré tout de faire le travail avec professionnalisme et déontologie. “On sait aussi que la préservation des archives, la conservation de l’instant présent, c’est maintenant, c’est pas demain. Mais malheureusement, quand on attend demain, c’est parfois trop tard.”

Numérisation et indexation : “un bond en avant qui était vraiment énorme”

Les services communaux de la Ville de La Louvière ont très rapidement tiré le signal d’alarme face à l’arrivée de ce qu’on appellera a posteriori la première vague du Covid-19 en Belgique. Des protocoles et des recommandations ont été mis en place pour l’ensemble de l’administration avant même le début du confinement. Au niveau du service des archives communales, cette période exceptionnellement calme a surtout permis à la petite équipe des AVLL, composée de cinq personnes (totalisant quatre équivalents temps plein) de réfléchir à certains pans du travail archivistique, comme les questions de tri, de reconditionnement ou d’aménagement des locaux. La salle de lecture étant fermée et les services communaux travaillant à bas régime, l’équipe a également pu se recentrer sur des missions qui en temps normal passaient au second plan en raison des diverses urgences : “Là où on a particulièrement travaillé, c’est dans tout ce qui était numérisation et indexation des collections iconographiques ; là on a fait un bond en avant qui était vraiment énorme”.

La majeure partie du personnel se trouvait confinée et en télétravail. Cependant, quand il s’agit pour deux membres de l’équipe d’être sur place en même temps, les AVLL possèdent un avantage non négligeable : celui d’être hébergées au sein de l’hospice Plunkett de Rathmore, sur le superbe site patrimonial de l’ancien charbonnage du Bois-du-Luc. “Paradoxalement”, s’exclame Thierry Delplancq, “on avait la chance d’avoir une petite équipe dans un énorme bâtiment, donc c’était […] tout à fait gérable : on pouvait avoir deux personnes sur place […] qui pouvaient ne pas se voir pendant une journée, parce que chacun à une aile du bâtiment“.

Quant à la salle de lecture, elle était évidemment fermée au public. Il a pourtant fallu à certains moments que l’employée présente sur le site refuse l’accès à certains lecteurs qui se présentaient malgré tout à la porte d’entrée. En matière d’aide à la recherche, “on ne s’est pas lancé à corps perdu dans une campagne de numérisation pour que les gens puissent avoir accès à X ou X fonds lorsque le service est fermé. On a tenté de répondre au mieux, ponctuellement, à certaines recherches qui nécessitaient une aide concrète – je pense à des étudiants qui devaient avancer dans leurs travaux”.

“J’ai pu faire quelque chose pour garder la mémoire de ce moment”

“Quand la crise est arrivée, on s’est dit : ben là on doit être présents !”, se souvient Thierry Delplancq, qui a alerté les autorités et a reçu comme consignes de centraliser aux Archives de la Ville tous les documents émis par l’administration durant la crise. Il fallait alors “alerter tous les services, qu’ils prennent des photos de ce qui se passe, parce qu’on savait qu’il y avait des choses qui allaient se passer”.

Le confinement à peine déclaré, les archivistes sont sortis prendre des photos de la ville déserte. Ils ont aussi directement tenté d’avoir l’appui des responsables politiques de la région et de communiquer vers les citoyens, notamment via la page Facebook des AVLL, afin de recueillir des photos ou des vidéos. “On a récolté plein de choses qui n’ont rien à voir avec la crise sanitaire, mais que le gens ont pu retrouver ou classer pendant la crise sanitaire”, sourit Thierry Delplancq. “Ça, c’est une belle conséquence – à laquelle on n’avait pas pensé – de ce confinement : les gens ont fait leur nettoyage de printemps de manière un peu plus intensive.”

Des milliers de documents récoltés

Très vite, à la fin du confinement, la situation a évolué, découlant sur la période de vacances estivales et un relâchement généralisé. À ce moment, “on perd le citoyen”, au point que les AVLL ont dû redoubler d’efforts pour rester visibles dans le paysage médiatique. L’équipe d’archivistes est sortie photographier les réouvertures de commerces ou de lieux culturels, comme le “Stuart”, le dernier cinéma de La Louvière, qui a dû hélas refermer trois jours plus tard.

Les archivistes de la Ville sont également allés prendre en photos les sources d’opposition qui commençaient à apparaître : “On a essayé de faire le tour de La Louvière pour photographier parfois les petits autocollants qui étaient appliqués : non aux masques, démocratie, etc.” En matière de documents collectés, Thierry Delplancq “ne pense pas exagérer en disant qu’on va avoir plusieurs milliers de documents qui auront été conservés depuis le début” : plus de 90 % de documents numériques, mais aussi quelques affichettes au format papier, ainsi que… différents types de masques ! Débute alors une seconde phase pour le service d’archives, consistant à indexer tout ce contenu dans le logiciel d’inventaire uDesk.

L’importance du travail en réseau

Pour Thierry Delplancq, la crise a également montré l’importance du travail en réseau, de l’ouverture et de la transversalité entre les différents centres d’archives et les chercheurs. Elle a aussi donné une vision plus large du métier. Le projet Archives de Quarantaine développé par l’AAFB a été une aubaine pour les AVLL : “Ça nous a permis déjà d’avoir quelque chose qu’on pouvait montrer au citoyens, quelque chose de concret qui mettait en avant le caractère scientifique, le caractère d’urgence de ce qui était mené, et qu’on pouvait montrer aux responsables politiques, administratifs et envoyer vers les citoyens”.

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La crise a aussi été l’occasion de mettre en place le télétravail structurel, chose qui n’était clairement pas envisageable auparavant. Elle a aussi bouleversé la gestion du temps, avec l’apparition de certains problèmes en matière d’augmentation de charge de travail : “On travaille n’importe quand et on travaille plus, ça c’est évident”. Enfin, du côté des répercussions négatives, Thierry Delplancq constate que la crise a permis de torpiller pas mal de projets culturels : “Cette crise fait qu’au niveau financier, les communes [se sont dit] qu’on va peut-être revoir des priorités. Et on sait très bien que lorsqu’on revoit des priorités au sein d’une administration locale, c’est rarement vers les archives que l’on se tourne.”

Retrouvez l’intégralité des propos de nos intervenants dans le podcast > https://archivesquarantainearchief.be/fr/podcasts/

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